Funambule, une vie en équilibre

Sortir une jambe du drap. Retirer le drap. Allumer la clim. Remettre le drap. Mettre la couverture. Arrêter la clim. Sortir une jambe du drap. Retirer le drap. Allumer la clim. Remettre le drap. Arracher la moustiquaire. Essayer de régler la clim. Casser le bouton de réglage de la clim. Arrêter la clim. Remettre la moustiquaire. Remettre le drap. Voire la couverture. Retirer la couverture. Retirer le drap. Sortir du lit. Ouvrir la fenêtre. Constater qu'il fait plus chaud dehors (forcément sans la clim...) et qu'une "Eglise" a décidé de prier toute la nuit dans un mégaphone. Refermer la fenêtre. Retourner au lit. Renfoncer la moustiquaire entre le matelas et le cadre du lit. S'arracher un ongle. Rouvrir la moustiquaire. Mettre un pansement. Allumer la clim. Retirer le tee-shirt. Renfoncer la moustiquaire. Mettre le drap.

Nuit banale en pleine saison des pluies...

(Je sais que hors des maisons d'expats, les gens donneraient beaucoup pour avoir la clim. Mais voilà. Je n'en ai pas moins chaud pour autant).

C'est une toute petite fille blonde, qui sourit beaucoup mais qui angoisse la nuit. Elle n'a pas beaucoup d'amis à l'école, elle a 10 sur 10 à toutes les dictées, qu'elle écrit par cœur avant même que la maitresse ne lise le texte à haute voix. Elle vient d'un petit village, d'une petite école de village et le directeur est gentil. Il lui explique les fractions avant les autres. Dans sa petite classe de 13 enfants, elle est un peu l'attraction. Celle qui lit tous les livres de la bibliothèque quand elle a fini les exercices.

C'est une petite fille fâchée parce que jamais on ne l'interroge quand elle lève le doigt. Parce que la maitresse sait qu'elle sait. Elle demande souvent "pourquoi", elle voudrait mieux comprendre le monde, mais elle n'a pas beaucoup d'explications. Quand on fait des multiplications, il faut en inventer toujours plus. C'est une gamine qui s'amuse des chiffres qui volent et des mots qui dessinent.

C'est une petite fille perdue dans une classe de grands, parce qu'elle s'ennuyait avec les enfants de son âge. On la traite d'intello et on refuse de jouer avec elle à la récré. La maitresse l'admire un peu, et ça fait bizarre à 9 ans d'être admirée par les grands. Pour sa présentation orale, elle a eu le droit de parler de ses cochons d'inde, même si tous les autres avaient l'interdiction de parler de leurs animaux. Parce qu'elle est encore vraiment toute petite.

C'est une toute jeune ado, dans une classe agressive. La prof de français a dit qu'elle était la plus jeune et qu'elle devait forcément être plus intelligente alors. Ça lui a fait peur, ça a surtout fait peur aux autres. Quand elle utilise des mots d'adultes, elle suscite les moqueries. Ce n'est pas de sa faute si elle aime lire, si elle dévore, si elle connait tous ces mots.On la croit prétentieuse parce qu'elle contredit tout le monde. C'est seulement qu'elle essaie de comprendre et que les explications ne sont jamais à la hauteur de ses doutes.

C'est une toute jeune ado qui fume des cigarettes en cachette, à même pas 12 ans, juste pour être comme les autres, en marge. Pour ne pas être une petite fille sage, même si maman choisit encore ses vêtements chaque matin et qu'elle n'a même pas encore de carte d'identité d'adulte.

C'est une jeune ado qui part à la dérive, 13 ans, 14 ans, qui accumule les bonnes notes mais ne sait pas comment se faire aimer. C'est une jeune ado qui se sent différente, qui se sait différente, qui ne parvient juste pas à l'expliquer.

C'est une jeune ado de 15 ans, 16 ans, qui part en vrille, qui fume un peu trop, rit un peu trop fort, fait beaucoup de bruit, se fait mal et menace de se tuer. Qui se sait bizarre, qui se croit folle, qui se dit qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez elle.

C'est une petite fille à qui personne n'a dit qu'elle était surdouée.

 Je crois que Facebook essaie de m’envoyer un message. Je sais, Facebook au boulot c’est interdit, mais en fait en cliquant frénétiquement pendant 3-4 minutes, on parvient à ouvrir la page quand même et à déjouer les vilains robots du service informatique. Et de toute façon, mon boulot, c’est Facebook aussi alors faut pas me faire ch***. N’empêche que bon, dans ce pays à l’Internet pourri, je sais que potentiellement je bloque l’accès à Internet à la moitié de mon équipe, mais m’en fous, me faut Facebook au travail, c’est comme ça, je suis addict, même si je poste presque rien.

Bref, Facebook ce matin, enfin mes « amis » ils publient d’abord le super article de la mort pour t’expliquer comment c’est de ta faute si tu perds tout ton temps de travail à lire tes mails (http://claudesuper.com/2014/10/13/arretez-de-lire-vos-emails-et-mettez-vous-au-travail/). Parce que le mail sert d’abord à te servir d’alibi pour ne rien faire d’autre ! Pas vrai d’abord, même si bon, j’avoue, quand j’ai pas envie de travailler, je classe mes mails.

L’autre article, il expliquait comment on passe une trentaine de jours par an à ne rien foutre sur Internet plutôt qu’à travailler. Vu que l’article se base sur 1h48 de présence en ligne par jour, je pense que je peux aisément doubler le nombre de jours perdus. Et d’enchaîner sur les 15% de baisse de productivité, ce qui, dans une société capitaliste à outrance, est quand même un problème de taille. En plus, c’est la crise.